Un état des lieux unique met pour la première fois en lumière l’évolution de l’épaisseur et de la masse des glaciers asiatiques depuis l’an 2000. Il montre qu’ils ne répondent pas tous de la même manière au réchauffement climatique.
Le réchauffement climatique n’impacte pas de la même manière l’épaisseur des glaciers du globe. Une étude réalisée dans les hautes montagnes d’Asie – la plus vaste superficie glaciaire du monde en dehors des régions polaires, abritant près de 100 000 km² de glaciers soit 50 fois la surface englacée des Alpes – vient de montrer qu’ils ne répondent pas tous de la même manière aux évolutions climatiques. "Nous avons reconstruit le relief de ces glaciers à partir de 50 000 images satellitaires acquises entre 2000 et 2016, indique la première auteure de l’étude Fanny Brun. Grâce à ces cartes du relief, appelées modèles numériques de terrain, nous disposons pour la première fois d’un état des lieux précis de l’évolution de l’épaisseur de ces glaciers sur une période relativement longue et sur une surface aussi importante. Les études précédentes portaient sur une période plus courte, de 2003 à 2009, ce qui limitait leur portée. Leur résolution spatiale était plus faible et ne documentaient donc pas la variabilité des glaciers au sein des grandes régions."
Selon les scientifiques, la perte de masse des glaciers d’Asie depuis le début des années 2000 est trois fois moins importante que celle prédite par les modèles d’évolution des glaciers, utilisés pour estimer leur contribution à l’élévation du niveau des mers. Ils s’amincissent d’environ 20 cm par an, soit deux fois moins que la moyenne des glaciers de l’ensemble du globe. A l’ouest du plateau tibétain, les glaciers du Karakoram et du Kunlun qui représentent un tiers de ces glaciers d’Asie gagnent même en masse, ce qui n’est observé nulle part ailleurs dans le monde. Le réchauffement climatique global et les changements de la circulation atmosphérique qui y sont associés se traduiraient dans cette région par une augmentation des précipitations pendant l’hiver et une baisse des températures durant l’été.
"L’impact de la fonte des glaciers d’Asie sur la hausse du niveau des mers est moins important que ce qu’envisageaient les précédents modèles, souligne le glaciologue Patrick Wagnon. Ils n’intégraient pas par exemple l’"anomalie" des glaciers du Karakoram et du Kunlun. La haute résolution spatiale de nos nouvelles données permet également d’affiner nos recherches : nous pouvons déterminer quel glacier contribue ou non à travers les bassins versants à l’augmentation du niveau des océans." La précision de ces données a aussi permis de constater les réactions différentiées des glaciers face au changement climatique. A l’est du plateau tibétain, les scientifiques ont identifié un record de perte de masse de glace de 62 cm d’eau par an, soit l’équivalent de la fonte actuelle des glaciers alpins.
Ces modèles numériques de terrain issus des images satellitaires constituent ainsi un outil essentiel pour observer l’évolution de l’épaisseur des glaciers et mieux comprendre leur interaction avec les facteurs climatiques (température, précipitations, rayonnement solaire…). Les résultats de cette nouvelle étude contribueront dans les prochaines années à l’amélioration des modèles hydro-glaciologiques. "Nous pourrons affiner nos estimations de la contribution actuelle des glaciers à l’hydrologie locale et son évolution en réponse au changement climatique, précise Fanny Brun. L’enjeu est crucial car, au sein des pays allant du Pakistan au Kirghizistan, plus de 100 millions de personnes sont dépendantes des cours d’eau alimentés par la fonte glaciaire."
Communiqué de l'IRD
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