La nouvelle exposition permanente du musée conçu par Richard Buckminster Fuller pour abriter l’ancien pavillon des États-Unis lors d’Expo 67 est un rare hommage à l’architecture et à l’urbanisme dans un musée dédié aux questions environnementales. L’exposition MTL+ est présentée au 5e étage de la Biosphère au cœur de l’île Sainte-Hélène.
Pourquoi détruire pour construire la ville de demain?
MTL+ présente la vision de firmes d’architectes primées qui se sont projetées en 2067 en réinventant de grandes infrastructures montréalaises. L’exposition positionne les architectes comme des porteurs d'idéaux sociaux.
L’hypothèse sur laquelle repose MTL+ est qu’il faut s’inspirer du passé et du présent pour rêver l’infrastructure de l’avenir. Les infrastructures présentées sont toutes des réinterprétations – des requalifications – de celles qui existent aujourd’hui.
On le sait, l’impact social et environnemental est multiplié quand l’on rase les infrastructures existantes pour en construire de nouvelles. Or, l’innovation dans la conception, la planification, la construction et la gestion des projets d’infrastructures sera essentielle pour s’adapter aux changements climatiques. Une autoroute urbaine de moins d’un kilomètre représente 40,000 tonnes de sols contaminés, 50,000 tonnes de béton concassé et des milliers de tiges d’acier.
Notre manière d’habiter l’espace qui nous entoure, et donc, nos rapports à l’environnement, se trouve au cœur de la vision des architectes. Si l’architecture perturbe l’environnement par sa nature même, elle permet aussi de mieux cohabiter avec le milieu naturel. Le visiteur comprendra alors les grandes infrastructures urbaines comme étant intégrées aux milieux de vie existants et comme étant au service de la qualité de vie.
Entre utopies et réalités
Certains projets « MTL+ » sont insolites, d’autres beaucoup plus réalistes, mais qui peut prévoir l’avenir? Soumis à aucune contrainte technique ou monétaire, les architectes requalifient certaines infrastructures de la région montréalaise avec une grande sensibilité face aux enjeux du vivre ensemble. Ils font rêver à une ville plus durable et plus vivable.
« Alors qu’il était autrefois courant de consulter les architectes sur leur vision de grandes utopies sociales, les générations actuelles en revanche n’ont jamais été sollicitées pour en faire autant. » C’est ce que déplore Philippe Lupien, architecte et professeur en design de l'environnement à l’Université du Québec à Montréal.
Lupien agissait comme co-commissaire de MTL+ avec Mathieu Régnier de la Biosphère. Il ajoute « qu’il existe un certain malaise entre une profession qui aimerait bénéficier du même optimisme qui a permis à leurs prédécesseurs d’accomplir de grands projets et une société qui réagit à ces initiatives avec méfiance ». L’exposition MTL+ tente de remédier à cette lacune en faisant le pari que pérennité environnementale et grandes utopies urbaines peuvent être conciliées.
C’est justement la cohabitation avec l’environnement naturel qui relie l’ensemble des activités de la Biosphère autour du génie humain – cette fois par l’architecture. Le célèbre « Design the Future » de Richard Buckminster Fuller – concepteur de l’enveloppe du musée – est une trame de fond importante dans la programmation. En vue d’inspirer les visiteurs, l’institution souligne sans relâche le dialogue nécessaire entre technologies vertes, sciences appliquées et humanités environnementales.
Une approche muséale interdisciplinaire
C’est dans une démarche d’innovation la plus flexible et interdisciplinaire possible que s’inscrivait l’appel à idées lancé par la Biosphère. Chaque équipe a dû s’adjoindre à des penseurs de divers domaines. Ceux-ci ont pu valider ces visions et collaborer à les rendre envisageables : biologistes, sociologues, philosophes, etc. C’est dans cette perspective que l’exposition a été conçue et qu’elle trouve son intérêt : elle laisse les créateurs d’aujourd’hui donner une forme à une vision d’avenir pour qu’elle puisse enfin exister.
Pour réaliser cette exposition, la Biosphère a obtenu le soutien d’une gamme de collaborateurs dont le Bureau du design de la Ville de Montréal, la revue ARQ Architecture Québec, la Communauté métropolitaine de Montréal ainsi que la Succession Benoit Bégin qui a fait don de la première table d’architecte de ce père de l’urbanisme au Québec. Les firmes ont profité de l’expertise d’un comité d’étude de projets constitué de Georges Adamczyk (Université de Montréal), de Marc-André Carignan (Kollectif.net), de Claudine Déom (Héritage Montréal) et de David Paradis (Vivre en Ville).
Échantillons de projets
- Requalification de la voie ferre%u0301e entre le Vieux-Montre%u0301al et la Gare Canora de Ville Mont-Royal qui scinde aujourd’hui le territoire urbain entre les quartiers Rosemont-Petite-Patrie et Plateau Mont-Royal: le lieu devient un trait d'union entre deux quartiers au lieu d'une cicatrice dans la ville. Par : STUDIO JEAN VERVILLE.
- Requalification de la portion de l’autoroute transcanadienne entre le Boulevard Saint-Laurent et Pie-IX: le lieu devient vergers et potagers géants. Par : CONSORTIUM VERT L’AVENIR.
- Requalification des raffineries de l’Est (Pointe-aux-Trembles) 21km2: on est maintenant dans un parc qui comprend des espaces culturels et qui est devenu un immense laboratoire sur la biolumiscence; le "Laboratoire des lucioles". Par : COLLECTIF ESCARGO.
- Requalification des terrains vagues de l’échangeur entre les autoroutes 10 (autoroute des Cantons de l’Est) et 30 (autoroute de l'acier); le lieu devient un lieu de socialisation et de production alimentaire: un " Nœud productif habitable". Par : T B A.
La Biosphère...
Ancien pavillon des États-Unis, la Biosphère est la plus grande réalisation de l’architecte Richard Buckminster Fuller, l’un des plus grands architectes du 20e siècle. Fuller était à la fois architecte, inventeur et précurseur de la durabilité environnementale. Il est cité dans l’exposition MTL+ : « Nous sommes appelés à être les architectes de l’avenir, pas ses victimes. »
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