Les systèmes alimentaires sont à la croisée des multiples enjeux et contradictions du développement durable : sécurité alimentaire et nutritionnelle, santé humaine et des écosystèmes, renouvellement des ressources naturelles, changement climatique, dynamisme des territoires, stabilité politique et justice sociale. Un groupe d’experts internationaux, impliquant des chercheurs du Cirad, appelle à une transformation profonde de ces systèmes alimentaires pour relever les Objectifs de développement durable (ODD) adoptés par l’ONU en 2015 et l’Accord de Paris sur le climat. Les auteurs proposent une stratégie de transition basée sur quatre leviers.
Il n’y aura pas de développement durable sans une profonde transformation des systèmes alimentaires. Cet appel au changement provient d’un groupe d’experts internationaux, dit « groupe de Milan » (voir encadré), dont les membres signent un article dans la revue Agronomy for Sustainable Development.
L'agriculture, premier employeur du mondeLes systèmes alimentaires ne sont pas seulement essentiels pour l’atteinte du deuxième ODD (« Faim zéro »), ils concernent l’ensemble du Programme de développement durable à l’horizon 2030. L’agriculture étant la principale source d’emplois dans le monde, des investissements dans ce domaine sont considérés comme deux fois plus efficaces pour réduire la pauvreté que dans n’importe quel autre secteur. Les pratiques agricoles sont étroitement liées à la santé des écosystèmes, au renouvellement et à la diversité des ressources naturelles et au changement climatique. Enfin, l’insécurité alimentaire et la pauvreté rurale sont souvent les causes profondes d’instabilités politiques, de conflits et de migrations.
« Une transformation complète des systèmes alimentaires s’impose »Alors que le maitre mot de l’agriculture a longtemps été l’augmentation de la production, les enjeux de notre siècle sont bien différents. Pour Patrick Caron, premier auteur de cette publication, chercheur au Cirad et président du groupe d’experts de haut niveau (HLPE) du Comité des Nations unies sur la sécurité alimentaire mondiale : « Une transformation complète des systèmes alimentaires s’impose, fondée sur des paradigmes et modèles distincts de ceux qui ont prévalu au XXe siècle. »
Cet appel à une profonde transformation s’appuie sur les réflexions des experts du groupe de Milan, qui proposent quatre leviers pour la mener à bien :
Ces changements ne se feront pas spontanément. La mise en œuvre de cette transformation repose sur un renouvellement de la gouvernance des systèmes alimentaires, en donnant la priorité au développement humain et la sécurité alimentaire et nutritionnelle des populations, à la gestion raisonnée des ressources, à la santé des écosystèmes, à un modèle de développement et à une consommation plus équitables. Tout cela suppose de nouvelles façons de penser, de planifier et de gérer les programmes d’appui à la production, à la consommation, à l’innovation et au développement rural.
La science un rôle majeur à jouerPour produire d’indispensables connaissances, la science est appelée à jouer un rôle majeur, en particulier dans le domaine technique, mais également pour saisir les dynamiques des transitions, identifier les sujets critiques et émergents, caractériser les interactions et les compromis, renseigner les désaccords entre les acteurs, explorer les futurs possibles et éclairer les décisions relatives aux solutions à adapter aux différents contextes.
Des processus de gouvernance au niveau mondialBien que le changement soit la plupart du temps conçu et mis en œuvre aux niveaux local et national, selon des modalités toujours spécifiques, la dimension et l’ambition universelles de cette transformation font appel à un cadre et à des processus de gouvernance à l’échelle mondiale, en particulier pour ce qui touche aux processus d’arbitrage et à la résolution des tensions entre dynamiques locales et globales.
Un nouveau contrat social rural/urbainEn outre, selon Patrick Caron : « le Programme de développement durable à l’horizon 2030 ne pourra pas se réaliser sans des ruralités florissantes. L’interdépendance des zones rurales et urbaines devrait être davantage reconnue et donner lieu à un nouveau contrat social rural/urbain. Ce serait la base d’une civilisation qui rémunère ses campagnes et leurs habitants pour les fonctions qu’ils exercent et les biens publics qu’ils fournissent aux sociétés, à la planète et aux économies. »
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