Des chercheurs de l’Institut Pasteur et du CNRS, en collaboration avec des équipes de l’IRD, de l’Université Claude Bernard Lyon 1 et du CIRMF au Gabon, viennent de démontrer que l’exposition à différentes bactéries au cours du développement des larves de moustiques (Aedes aegypti ) se répercute sur leur aptitude à devenir vecteurs d’arbovirus au stade adulte. Ces résultats apportent la première preuve empirique que le microbiote larvaire peut influencer l’aptitude d’un moustique adulte à transmettre des pathogènes humains.
Comme l’explique Laura Dickson, premier auteur de l’étude et chercheuse à l’Institut Pasteur, "cette découverte est importante car elle apporte la première preuve empirique que les bactéries présentes dans l’environnement aquatique influencent et régulent la capacité des moustiques adultes à transmettre des pathogènes aux hommes". Selon Louis Lambrechts, chercheur du CNRS, responsable du groupe Interactions virus-insectes à l’Institut Pasteur et coordinateur de l’étude, "notre découverte devrait inciter la communauté scientifique à s’intéresser d’avantage au rôle de l’écologie des larves d’insectes dans la propagation de pathogènes à transmission vectorielle".
Les moustiques sont des insectes holométaboles, c’est-à-dire des organismes chez qui le passage du stade larvaire au stade adulte se fait au cours d’une métamorphose. Les larves de moustiques et les adultes occupent deux habitats distincts au cours de leur cycle de vie. A l’état de larve, les moustiques se développent dans l’eau, alors qu’adultes, ils évoluent en milieu terrestre. Les caractéristiques biologiques des moustiques adultes (comme leur taille, leur durée de vie et leur sensibilité aux pathogènes humains) dépendent des conditions environnementales auxquelles ils sont exposés au stade larvaire et au stade adulte.
Depuis quelques années, la communauté scientifique a constaté que le microbiote intestinal du moustique (c’est à dire l'ensemble des micro-organismes vivant dans l’intestin de cet insecte) contribue à moduler la transmission de pathogènes. Cependant, le rôle joué par le microbiote des larves de moustiques dans leur capacité vectorielle au stade adulte était sous-exploré.
Cette question est particulièrement importante dans le cas du moustique Aedes aegypti , qui est un vecteur majeur d’arbovirus comme ceux de la dengue, de la fièvre jaune, du Zika et du chikungunya. En Afrique sub-saharienne, le moustique A. aegypti existe à la fois sous une forme urbaine et une forme forestière. Les sites où leurs larves se développent varient de manière significative : alors que le moustique "urbain" grandit dans l’eau stagnante de récipients artificiels (par exemple, des pneus usés ou bien des bidons laissés à l’abandon), le moustique "forestier" se développe dans l’eau de gîtes naturels (par exemple, dans des creux de rochers ou des trous d’arbres).
Lire l'article de Science Advances (849 hits)