Selon un nouveau rapport, la dégradation des forêts due au changement climatique risque de coûter à la planète son plus grand séquestreur de gaz à effet de serre.
L’étude intitulée “Adaptation des forêts et des populations au changement climatique – un bilan global” a été coordonnée par l’Union internationale de la recherche forestière (IUFRO), basée à Vienne, sous les auspices du Partenariat de la collaboration sur les forêts (CPF), arrangement volontaire de 14 organisations internationales et secrétariats de conventions ayant chacun un programme de travail important sur les forêts.
Rédigé par 35 des plus grands spécialistes des forêts du monde, ce document est l’évaluation la plus complète à ce jour des informations scientifiques sur les conséquences du changement climatique et la façon dont les hommes et les forêts s’y adaptent. On s’attend à ce que ce document joue un rôle clé lors des débats du Forum des Nations Unies sur les forêts (FNUF) dans la semaine prochaine. Le rapport résume l’état actuel des connaissances sur les impacts présents et futurs du changement climatique sur les forêts et les populations et propose des mesures pour améliorer leurs capacités d’adaptation.
“On a l’habitude de considérer le rôle des forêts comme un frein sur l’effet de serre, mais en réalité, dans les prochaines décennies, les perturbations causées par le changement climatique pourraient amener les forêts à libérer de grandes quantités de carbone et par là même inverser leur rôle: au lieu de freiner le réchauffement de la planète, elles auraient une action d’accélérateur“: tels furent les propos de Risto Seppälä, professeur auprès de l’Institut finlandais de recherche forestière (Metla) et ancien président de l’IUFRO, qui a présidé la réunion du groupe d’experts à l’origine de ce rapport. Les chercheurs espèrent que cette nouvelle étude sera prise en compte lors de la prochaine conférence internationale sur le changement climatique, qui aura lieu en décembre à Copenhague. Jusqu’ à présent, les débats sur les forêts se sont penchés principalement sur le problème des émissions de carbone causées par la déforestation. Aujourd’hui, les décideurs politiques doivent aussi tenir compte de la vulnérabilité des forêts elles-mêmes et savoir que celles-ci vont souffrir – et même gravement - au fur et à mesure que la planète va se réchauffer.
Même si la déforestation est responsable d’environ 20 pour cent du gaz à effet de serre, globalement, les forêts absorbent actuellement plus de carbone qu’elles n’en libèrent. Les arbres et les sols des forêts du monde absorbent et retiennent un peu plus du quart des émissions anthropogéniques totales. Selon les chercheurs, cette fonction de régulation du gaz carbonique des forêts pourraient disparaître complètement avec un réchauffement global de 2.5 C (4.5 degrés Fahrenheit) ou, de façon plus relative, s’il parvenait à un niveau préindustriel (ce qui peut arriver si les émissions ne sont pas réduites de façon significative).
Selon le rapport, des températures plus élevées – allant de pair avec des sécheresses prolongées, des invasions plus fréquentes de ravageurs, et autres problèmes environnementaux qui pourraient accompagner le changement climatique – auraient pour conséquence la destruction et la dégradation des forêts. Cela pourrait créer un cercle vicieux dangereux: les perturbations causées par le changement climatique ont pour résultat de libérer dans l’atmosphère de grandes quantités de gaz carbonique, ce qui aggrave l’effet de serre.
La mise en garde des chercheurs, selon lesquels les forêts risquent de se transformer de puits nets de carbone en sources nettes de carbone, se fonde sur une analyse profonde de la manière dont les différents écosystèmes forestières du monde seraient affectés sous des scénarios spécifiques de changement climatique développés par le Groupe intergouvernemental sur le changement climatique (IPCC), détenteur du prix Nobel. Les auteurs de ce rapport, parmi eux des membres du groupe IPCC, estiment que les impacts sur les différents écosystèmes varieront avec le temps.
En définitive, les auteurs estiment que le risque de perdre les forêts comme puits net de carbone est significatif, même dans des scénarios relativement conservateurs, dans lesquels les pays enregistrent une réduction modeste de leurs émissions et réussissent à stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre au niveau actuel. Le risque devient encore plus grand dans les scénarios où les mesures visant à réduire les émissions échouent et la tendance actuelle vers une augmentation des émissions se poursuit.
Selon le professeur Seppälä, ”il faut que les décideurs politiques accordent plus de priorité à aider les forêts et les populations qui y habitent à s’adapter aux problèmes anticipés. Par exemple, un engagement prononcé en faveur de la gestion durable des forêts, outre de multiples avantages, pourrait aider les forêts à éviter quelques unes des perturbations causées par le changement climatique."
Ce rapport est présenté officiellement lors de la présente séance du Forum des Nations Unies sur les forêts (FNUF) qui se tiend du 20 avril au 1er mai 2009 au siège de l’ONU à New York.
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