Par Kristalina Georgieva, Directrice de générale de la Banque mondiale
À chacun de mes voyages, je constate que la technologie améliore l’existence de millions de personnes marginalisées. Dans la plupart des cas, les changements sont à peine visibles, ils se produisent à petite échelle et d’une multitude de façons. La technologie aide, silencieusement, les habitants de zones reculées, les femmes et les jeunes à sortir de leur exclusion.
Et parce que ce phénomène est discret et passe inaperçu, j’ose espérer que nous ne sommes qu’au début d’une révolution lente et néanmoins profonde. Voici les raisons de mon optimisme.
Aissata vit à Ganyah, un village isolé de Guinée qui a été durement touché par la crise Ebola. Elle investit une partie des allocations qu’elle reçoit chaque mois dans un dispositif de microcrédit mis en place avec d’autres femmes, afin de cultiver des légumes et de les vendre sur le marché. Elle peut ainsi nourrir ses enfants et les envoyer à l’école. La technologie a littéralement transformé les perspectives d’avenir pour la famille d’Aissata, car, sans technologie, elle ne pourrait pas figurer sur le registre des bénéficiaires sociaux.
En Guinée mais aussi au Chili, en Turquie, à Djibouti, au Pakistan ou encore en Indonésie, les registres sociaux mettent les individus en relation avec les services publics (protection sociale, santé et inclusion financière), tout en donnant la priorité aux plus pauvres. Et les plateformes technologiques invisibles mais fiables sur lesquelles s’appuient ces registres permettent d’économiser des millions de dollars par rapport à l’époque où le numérique n’existait pas.
Le registre social du Pakistan couvre désormais 85 % de la population du pays. Il inclut 70 programmes différents et a permis d’économiser 248 millions de dollars. En Afrique du Sud, un processus analogue a évité la perte de 157 millions de dollars. En Argentine, la mise en relation des bases de données de 34 programmes sociaux avec des numéros d’identification uniques a permis de mettre au jour de nombreuses erreurs sur l’éligibilité des bénéficiaires, avec, à la clé, une économie de 143 millions de dollars sur huit ans.
Deux milliards de personnes dans le monde travaillent dans le secteur informel, généralement sans protection sociale. Dans les pays à faible revenu, la couverture sociale est quasiment inexistante, et même dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure, seulement 28 % de la population en bénéficie. Les écosystèmes de paiement mobiles et numériques créent toutefois de nouvelles opportunités.
En Inde, des innovations telles que le système d’interface de paiement unique (UPI) facilitent l’accès des pauvres aux transactions sans espèces. Les plateformes de micro-assurance et les incitations douces servent à encourager les individus à cotiser de manière flexible, volontaire et sans espèces. L’État verse des prestations complémentaires qui permettent aux travailleurs informels d’être couverts.
En Zambie, quelque 75 000 filles et femmes vivant dans des zones rurales et isolées peuvent choisir de recevoir des versements numériques sur un compte bancaire mobile ou sur une carte prépayée. Et l’Afrique de l’Ouest a pour ambition de fournir 100 millions d’identités numériques d’ici à 2028, y compris aux populations nomades, aux sans-abri, aux minorités et aux personnes vivant dans une zone de conflit.
En Indonésie, « Family Hope », un programme de transferts monétaires, couvre dix millions de ménages pauvres, jusque dans les zones les plus reculées de l’est de l’archipel, afin d’atteindre les objectifs de développement humain. Au Liban, un partenariat de la Banque mondiale et du Programme alimentaire mondial renforce la coordination avec l’aide humanitaire et permet des opérations d’aide alimentaire grâce à une carte électronique ciblant les ménages libanais les plus pauvres ainsi que les réfugiés syriens.
À l’heure où la « gig economy » gagne du terrain, y compris dans les pays développés, il faut trouver des solutions afin que les programmes de protection sociale offrent aux travailleurs informels la possibilité d’accéder à des prestations et à des services, quel que soit leur employeur. Dans son Rapport sur le développement dans le monde 2019 (a), la Banque mondiale s’intéresse de près à ces aspects de l’avenir du travail.
Grâce à la technologie, il est possible d’atteindre les personnes exclues, alors même qu’un plus grand nombre d’aspects de l’économie physique deviennent virtuels. Il est impossible de résister à cette tendance inexorable. Elle offre des possibilités considérables pour mettre à profit les avancées notables réalisées ces dernières décennies en direction d’un monde plus juste, mais pour y parvenir, il faut accompagner ce mouvement.
La Banque mondiale fait figure de leader lorsqu’elle s’efforce de veiller à ce que la technologie qui façonne notre avenir contribue à l’inclusion sociale de tous, en particulier de ceux qui risquent le plus d’être laissés sur le bord du chemin. Et pour preuve : 85 % des financements alloués à ses 92 projets dans le secteur de la protection sociale et de l’emploi sont consacrés à cet enjeu.
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Source : Banque Mondiale
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