Au troisième jour du Forum sur le financement du développement, le Conseil économique et social (ECOSOC) a tenu trois tables rondes pour examiner le rôle des ressources publiques nationales et internationales, ainsi que celui des entreprises et du financement privé pour appuyer le développement durable, avant de se pencher sur le problème de la dette et les questions systémiques.
Au préalable, des experts ont également discuté des moyens d’améliorer le rapport du Groupe de réflexion interinstitutions sur le financement du développement.
Sur la question de la dette, les participants au Forum ont relevé que bien que l’emprunt, tant par les gouvernements que par les entités privées, est un outil important pour le financement des investissements en faveur du développement durable, un endettement trop élevé peut entraver la croissance. D’où la nécessité, non seulement pour les gouvernements d’avoir un niveau de dette soutenable, mais aussi pour la communauté internationale d’établir des mécanismes de restructuration de la dette souveraine pour que les ressources publiques servent au développement.
Plusieurs intervenants ont également plaidé pour que les pays en développement élargissent leurs ressources nationales, notamment en renforçant leurs capacités fiscales.
Mais pour la Commissaire générale de l’Autorité pour le revenu du Liberia, Mme Elfrieda Steward Tamba, la véritable question est de veiller à ce que les ressources nationales et internationales se complètent mieux. Elle a notamment préconisé l’élaboration de cadres de coordination et de fonds mixtes pour financer certains projets, appelant en outre à mettre en place un pacte social pour lutter contre les flux illicites et la corruption pour optimiser les retombées de l’aide publique au développement (APD).
Lui emboitant le pas, le Directeur de la Direction de la coopération pour le développement de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), M. Jorge Moreira Da Silva, a dit rester convaincu du rôle de catalyseur que joue l’APD dans le financement du développement, jugeant nécessaire de lancer plus de mesures d’encouragement pour que les investissements privés soient mieux canalisés vers l’atteinte des objectifs de développement durable.
Le secteur privé était aussi interpelé dans le cadre d’une table ronde consacrée aux « Entreprises et financements privés, aux niveaux national et international ». Ce fut l’occasion d’entendre le Directeur général et Chef du volet Responsabilité sociale des entreprises et finances durables à BNP Paribas pour les Amériques, M. Hervé Duteil, décrire comment son entreprise a cartographié ses investissements en intégrant les 17 objectifs de développement durable.
Ainsi, 15% des prêts octroyés par la banque aux entreprises sont orientés vers les objectifs de développement durable, et BNP Paribas a également créé une « obligation durable » avec la Banque mondiale qui permet aux investisseurs de financer des projets sociaux pour lesquels le risque est minimisé par l’implication de ces deux partenaires majeurs. « Ce qu’il faut maintenant faire, a préconisé M. Duteil, c’est de passer des investissements responsables aux investissements d’impact ».
Un représentant de la société civile s’est toutefois inquiété de cet engouement pour les financements privés, constatant que les partenariats public-privé sont parfois porteurs de corruption et de clauses cachées qui ne sont pas toujours favorables à l’intérêt public. Les représentants de l’Algérie et du Bangladesh se sont inquiétés, de leur côté, du fait que l’on cherche à faire du commerce international un levier du développement, faisant observer que ses retombées ne bénéficient pas toujours aux plus démunis.
Cette observation a valu au Directeur général adjoint de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), M. Yonov Frederick Agah, de souligner que bien que le commerce n’offre pas des bénéfices équitables à tous, il demeure néanmoins un facteur crucial pour sortir de la pauvreté.
Pour mettre le commerce au service du développement durable, ce dernier a notamment appelé les États à adopter des politiques adéquates, et à s’abstenir d’imposer des mesures protectionnistes.
Au cours de cette troisième journée de travaux, les délégations ont également entendu le maire de la ville de Belize, M. Darrell Bradley, souligner que les gouvernements locaux peuvent jouer un rôle de premier plan dans le financement et la réalisation des objectifs de développement durable, à condition de mettre en place des politiques robustes de décentralisation et des cadres juridiques plus adaptés. Ce dernier a notamment expliqué que les gouvernements locaux peuvent élargir l’assiette fiscale par des impôts supplémentaires, comme l’impôt sur la propriété et l’alcool, ajoutant que les banques de développement nationales ont un rôle de chef de fil à jouer pour autonomiser les gouvernements locaux.
« Cela exige, de la part des gouvernements nationaux, de donner les moyens aux gouvernements locaux et de les associer à la prise de décisions en matière de politique de développement car ils représentent un véritable potentiel en termes de mobilisation de ressources nationales », a notamment affirmé le maire.
Le Directeur de l’Agence française de développement, M. Philippe Orliange, a d’ailleurs souligné que les banques de développement sont au cœur de la mobilisation des ressources domestiques et des acteurs essentiels pour la réussite des objectifs de développement durable ainsi que des engagements mondiaux pris à la COP 21.
« Le principal rôle d’une banque de développement est de prendre des risques que les banques commerciales ne prendraient pas, ce qui en fait des acteurs à long terme qui n’attendent une rentabilité immédiate », a-t-il notamment fait observer.
Compte rendu de l'ONU (713 hits)