Quelle est la molécule la plus simple capable de transformer l'énergie solaire en électricité ? Telle est la question que s'est posée une équipe de l'Institut des sciences et technologies moléculaires d'Angers (Moltech-Anjou, CNRS/Université d'Angers). Les chercheurs ont montré que des molécules extrêmement simples, produites en peu d'étapes avec de très bons rendements de synthèse, peuvent devenir des alternatives crédibles aux molécules plus complexes et aux polymères utilisés pour la fabrication de cellules solaires organiques. Leurs travaux, publiés en ligne dans Advanced Functional Materials et Chemistry : A European Journal, ont permis d'obtenir des molécules de faible poids moléculaire ayant un rendement électrique supérieur à 4 %. Ils montrent ainsi que grâce à l'optimisation de molécules simples on pourra passer de la recherche fondamentale à la production industrielle de dispositifs solaires fabriqués à partir de molécules organiques.
Depuis les années deux mille, une intense compétition internationale vise à produire, à partir de molécules organiques, des cellules solaires aux performances comparables à celles des cellules en silicium des panneaux solaires commercialisés aujourd'hui. En effet, les cellules photovoltaïques organiques devraient être moins chères à produire, et pourraient en outre ouvrir de nouvelles applications.
Deux voies sont actuellement à l'étude dans le photovoltaïque organique : la plus répandue repose sur l'utilisation de polymères. Cependant, ces matériaux sont composés de chaînes macromoléculaires de différentes longueurs ce qui peut engendrer des problèmes de reproductibilité de leurs propriétés électroniques. Une autre voie ouverte par la même équipe de l'Institut Moltech-Anjou en 2005 et reprise depuis par de nombreux laboratoires, consiste à utiliser des molécules organiques solubles de structure parfaitement définie. Cette voie a permis d'obtenir récemment des rendements de conversion électrique de plus de 7 %, proches de ceux des cellules à base de polymères (8-9 %).
Cependant, ces molécules relativement complexes sont difficiles à produire : les plus performantes nécessitent jusqu'à 12 étapes de synthèse avec un rendement global inférieur à 0,10 % difficilement compatible avec une production à l'échelle industrielle. Voilà pourquoi les chercheurs de l'Institut Moltech-Anjou ont décidé d'intégrer dans la conception de nouvelles molécules, les contraintes propres à l'industrie, en termes de rendement de synthèse, de coût, et de respect de l'environnement.
Le premier pas de leur démarche a consisté à rechercher les molécules les plus simples présentant un effet photovoltaïque intéressant. Ils ont ainsi choisi de travailler sur une famille de molécules à base de triarylamines, qui peuvent être synthétisées en peu d'étapes. Ils ont ensuite cherché à optimiser certaines propriétés de ces molécules : capacité d'absorption de la lumière, niveaux d'énergie, stabilité ou encore mobilité des charges électriques. A partir de ces structures minimalistes, ils ont réalisé un travail d'ingénierie moléculaire en ajoutant, selon les besoins, certains types de liaisons ou de groupements chimiques.
Ils ont ainsi développé des molécules de faible masse moléculaire dont le rendement de conversion électrique est d'environ 4 %. C'est l'un des rendements les plus élevés obtenus avec des molécules de structure aussi simple. Ces molécules peuvent être synthétisées avec d'excellents rendements. Ces recherches qui bénéficient du soutien de groupes industriels se poursuivent afin d'améliorer à la fois les performances des cellules photovoltaïques et les procédés de synthèse. L'un des objectifs est de limiter l'utilisation de réactifs ou de solvants toxiques et de catalyseurs coûteux afin que ces molécules puissent s'intégrer à des dispositifs photovoltaïques pouvant être fabriqués à grande échelle.