L'ozone a-t-il un impact sur le rôle de « réservoir de carbone » de l'océan ? Oui, répondent des chercheurs de trois laboratoires (1) rattachés à l'INSU-CNRS (2), à l'UPMC, au CEA, à l'IRD, au MNHN et à l'UVSQ. Au moyen de simulations inédites, ils ont mis en évidence que le trou dans la couche d'ozone réduisait l'absorption du carbone atmosphérique par l'océan Austral, et participait à l'augmentation de l'acidité des océans. Ces résultats, qui viennent d'être publiés en ligne dans la revue Geophysical Research Letters, devraient avoir une influence non négligeable sur les prochains modèles du GIEC (3), qui, pour l'instant, ne tiennent pas compte des variations d'ozone.
L'augmentation du taux de CO2 dans l'atmosphère due aux activités
humaines est en partie responsable du réchauffement climatique. En
absorbant près de 15 % du carbone anthropique dégagé annuellement,
l'océan Austral est l'un des principaux puits de carbone atmosphérique.
Mais son efficacité diminue, alors que le taux de carbone atmosphérique
continue d'augmenter rapidement ces dernières années (4). Or, jusqu'à
présent, la saturation du puits de carbone dans l'océan Austral n'était
pas correctement simulée par les modèles climatiques utilisés.
Pour
améliorer ces simulations, une collaboration de climatologues,
modélisateurs et océanographes s'est constituée. Leur objectif :
façonner un modèle qui simule plus correctement la capacité de l'océan
Austral en tant que puits de carbone. Pour cela, les chercheurs se sont
appuyés sur le modèle couplé océan/atmosphère de l'IPSL qui intègre le
cycle du carbone (et donc l'évolution des gaz à effet de serre, tel le
CO2). Principale nouveauté : la prise en compte de l'évolution des
concentrations en ozone stratosphérique (5) de 1975 à nos jours. «Les
simulations obtenues avec ce modèle reproduisent plus correctement les
observations océaniques obtenues sur le terrain ces dernières années, souligne Nicolas Metzl, chercheur au LOCEAN/IPSL et coordinateur du Service d'observation OISO (6)»
Surtout, cette étude souligne deux phénomènes majeurs au niveau de
l'océan Austral : une réduction significative de l'absorption de CO2
qui n'est pas compensée dans les autres océans, ainsi qu'une
accélération de l'acidification des eaux océaniques des hautes
latitudes Sud. Entre 1987 et 2004, ce sont environ 2,3 milliards de
tonnes de carbone qui n'ont pas été épongés par les océans. Cela
correspond à une diminution relative de près de 10 % du puits de
carbone océanique global. Les simulations révèlent ainsi comment des
perturbations de la haute atmosphère (ici, le trou d'ozone)
interagissent avec les gaz à effet de serre et le cycle du carbone
océanique : elles conduisent à un renforcement des vents d'ouest sur
l'océan Austral, provoquant un brassage des eaux océaniques de surface
avec les eaux plus profondes, riches en CO2, limitant ainsi le pompage
du carbone atmosphérique par les eaux de surface.
C'est la
première fois que l'impact du trou d'ozone sur le cycle du carbone
océanique, est simulé dans un modèle global du climat. Ces résultats
suggèrent que les modèles de climat utilisés jusqu'à présent
surestiment le puits de carbone océanique et sous-estiment
l'acidification des océans. Ils soulignent l'importance de prendre en
compte l'ozone dans les futures modélisations, notamment du GIEC, ce
qui permettra d'améliorer les prévisions climatiques à venir. L'océan
Austral est une région particulièrement sensible au réchauffement
climatique. Mieux prévoir les conséquences de ces changements est
fondamental, vis-à-vis du bilan de carbone planétaire (saturation des
échanges air-mer) et des ressources marines (impact de
l'acidification).
Ces travaux ont reçu le soutien du programme
national LEFE/Cyber/FlamenCO2 (INSU-CNRS) et du programme européen
CARBOOCEAN qui visent à mieux évaluer et comprendre les sources et
puits de carbone dans l'océan.
(...)
Source : Communiqué du CNRS du 22 juin 2009
Photo : Iceberg rencontré dans l'océan Indien Austral durant une campagne océanographique OISO
© Nicolas Metzl
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