La Journée internationale de la femme met l'accent sur le sida
(Elle est l'occasion d'attirer l'attention sur les effets de cette
pandémie sur les femmes.) (1300)
Par Judy Aïta Correspondante du "Washington File"
Nations unies - Le 8 mars, à l'occasion de la Journée internationale de la femme, des dirigeants du monde se sont associés à des responsables locaux des milieux médicaux pour attirer l'attention sur l'impact du VIH/sida sur les femmes. L'accroissement alarmant du nombre de femmes infectées par le virus, ainsi que le rôle fondamental de ces dernières dans la lutte contre la pandémie sont des sujets qui préoccupent particulièrement l'ONU.
"Cette année, à l'occasion de la Journée internationale de la femme, les femmes ont décidé de se faire entendre au sujet du sida", a déclaré Mme Noeleen Heyzer, directrice exécutive du Fonds de développement des Nations unies pour la femme. "Les femmes et les jeunes filles estiment en effet que les campagnes de prévention du sida et de protection contre la maladie ne tiennent pas assez compte de leurs problèmes spécifiques."
Il y a dix ans, a expliqué Mme Heyzer, les femmes étaient à la périphérie de l'épidémie. Aujourd'hui, elles sont à son épicentre. La situation est particulièrement alarmante pour les jeunes femmes du monde en développement qui, dans la tranche des 15-25 ans, ont un taux d'infection qui est le double de celui des jeunes hommes.
"Les statistiques sont alarmantes. Aujourd'hui, 50 % des personnes
infectées par le VIH sont des femmes. Il y a seulement six ans, ce taux était de 41 %. Rien qu'en Afrique subsaharienne, 58 % des séropositifs sont des femmes (...)", a déclaré Mme Heyzer lors d'une réunion organisée au siège de l'ONU à l'occasion de la Journée de la femme.
"En fait, la transmission du virus de l'homme à la femme est deux fois plus probable que dans le sens inverse. Pourtant, les facteurs qui rendent les femmes plus vulnérables peuvent être changés (...) Ce qui est clair, c'est que le VIH/sida est une question de santé ; c'est une épidémie ; c'est une question de sexe, et tout particulièrement d'inégalité entre les sexes qui est fatale. En conséquence, il faut prendre des mesures drastiques", a affirmé Mme Heyzer.
Ont également participé à cette réunion autour du thème "Les femmes et le Sida" le secrétaire général de l'ONU, M. Kofi Annan ; Sa Majesté la reine Noor de Jordanie ; le Dr George Alleyne, envoyé spécial du secrétaire général pour le VIH/sida dans les Caraïbes ; Noerine Kaleeba de l'ONUSIDA ; Dean Peacok de EngenderHealth (Afrique du Sud), et le Dr Linda Distlerather, vice-présidente de la politique sanitaire mondiale à la société Merck and Co. Instituée en 1977 par les Nations unies, la Journée internationale de la femme est célébrée chaque année le 8 mars. Elle est l'occasion de faire le point sur les progrès réalisés vers l'égalité entre les sexes, d'évaluer les difficultés auxquelles se heurtent les femmes dans divers contextes socioculturels, d'envisager des mesures susceptibles d'améliorer le statut des femmes, et de célébrer les victoires obtenues dans ces domaines.
Selon Mme Heyzer, six domaines en particulier nécessitent des efforts : fondation des démarches préventives sur les réalités de la vie des femmes ; réduction de la violence contre les femmes ; protection des droits des femmes à la propriété et à l'éducation ; octroi aux femmes de soins et de traitements de qualité égale à ceux des hommes ; mobilisation des responsables publics contre la stigmatisation des victimes du sida ; enfin, affectation de ressources suffisantes.
Dans le Moyen-Orient et dans l'ensemble du monde, le VIH/sida n'est pas seulement une crise de santé publique, mais aussi une question de droits de l'homme, et tout particulièrement de droits de la femme, a affirmé la reine Noor.
"Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, nous avons jusqu'à présent réussi à échapper au pire, mais pas complètement. De récents rapports indiquent que près de 600.000 personnes sont séropositives. Malheureusement, près de 45.000 personnes sont mortes du sida l'année dernière. Ces chiffres, bien que considérés comme modestes dans d'autres régions, sont inacceptables", a-t-elle ajouté.
Les difficultés auxquelles se heurtent les femmes, particulièrement dans le monde en développement, sont tout aussi monumentales que les
contributions qu'elles pourraient apporter à la société. "Les femmes se heurtent chaque jour à la discrimination politique, sociale, sexuelle et juridique qui sape leur potentiel et nous nuit à tous. Partout, les femmes font plus, mais leurs efforts ne sont pas appréciés à leur juste valeur."
Elle a ajouté que cela était particulièrement évident au Moyen-Orient. Malgré un taux d'infection qui compte parmi les plus faibles du monde, les femmes y constituent 55 % des séropositifs, un taux plus élevé que partout ailleurs, à l'exception de l'Afrique subsaharienne. La reine explique cette situation par des circonstances géographiques et économiques, mais aussi par "les règles sociales et culturelles relatives à la femme, à l'homme, à la sexualité et à la famille".
Si certaines de ces règles peuvent réduire les comportements qui facilitent la propagation du virus dans d'autres régions, elles risquent par ailleurs de renforcer la stigmatisation qui dissuade les gens de se faire tester et les malades de se faire soigner.
"Du fait du tabou attaché à la maladie, nombre de séropositifs préfèrent mourir que de risquer le rejet - dans le meilleur des cas - de leur famille, de leurs amis et de leur communauté. Dans une culture où, malheureusement, les femmes risquent des mesures de rétorsion de la part des membres de leur famille à la moindre suggestion de mauvaise conduite, les dangers sont multipliés."
Selon elle, les tabous culturels qui empêchent l'établissement de diagnostics et favorisent la propagation de la maladie sont le plus grand obstacle à la lutte contre le sida au Moyen-Orient.
Elle a toutefois souligné les démarches entreprises par certains pays pour lutter contre la propagation de la maladie : des services d'assistance téléphonique pour ceux qui ont des questions sur la santé génésique ont été mis en place en Egypte, en Palestine et au Liban ; des centres de conseils confidentiels pour les jeunes ont été ouverts en Tunisie ; l'Algérie et le Liban ont adopté des plans d'action nationale ; l'Iran a lancé une vaste campagne de lutte contre les tabous entourant la maladie ; enfin, l'Egypte a mis en oeuvre un programme d'aide aux fillettes non scolarisées.
"Le taux relativement faible d'infection au VIH au Moyen-Orient constitue à la fois un risque et une chance : risque de sous-estimer le danger potentiel de la pandémie et de retarder les actions nécessaires, et chance de mobiliser les volontés politiques et sociales pour agir vigoureusement contre la propagation de la maladie", a affirmé la reine.
Quant au secrétaire général de l'ONU, il a affirmé que des changements fondamentaux qui donneraient plus de pouvoir et de confiance aux femmes et aux jeunes filles et transformeraient les relations entre hommes et femmes étaient nécessaires.
Selon lui, certaines des stratégies actuelles de prévention, telles que l'incitation à l'abstinence, à la fidélité et à l'usage de préservatifs n'ont aucun sens dans des situations où les abus sexuels et la violence sont monnaie courante. Le mariage n'est pas non plus une méthode garantie de prévention de la propagation du VIH.
"A cause du sida, les femmes pauvres se retrouvent dans une situation économique encore plus précaire. Elles sont souvent privées de leurs droits en matière de logement, de propriété ou d'héritage, voire d'accès à des services médicaux adéquats (...) Forcées d'abandonner leurs études pour soigner un parent malade, s'occuper du ménage ou subvenir aux besoins de leur famille, les filles sombrent dans une pauvreté encore plus grande.
Leurs propres enfants, à leur tour, ont moins de chances d'aller à l'école et courent davantage de risques d'être infectés. Les effets dévastateurs du sida sur les femmes coûtent très cher à la société."
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