Développer l’éolien offshore dans les aires marines protégées ? Le nécessaire respect du droit de l’environnement
Par Laurent Bordereaux, professeur, La Rochelle Université
Soutenue par l’Union européenne, la France affiche aujourd’hui de grandes ambitions en matière de développement des énergies marines renouvelables (EMR). Dans le cadre de sa politique de transition énergétique, le gouvernement n’a pas hésité à lancer de grands projets éoliens au cœur même d’aires marines protégées, ce qui soulève, en dehors de la question de leur acceptabilité sociale, de délicats problèmes juridiques. On pense bien évidemment et notamment aux projets actuels très controversés de parcs éoliens offshore au large de Dunkerque (en zone « Natura 2000 ») et d’Oléron (également en site « Natura 2000 » et de surcroît en plein parc naturel marin).
- Sur le projet de Dunkerque, voir le bilan du débat public : https://dunkerque-eolien.debatpublic.fr/
- Sur le projet d’Oléron, voir la présentation de la CNDP : https://www.debatpublic.fr/projets-eoliens-au-large-nouvelle-aquitaine
Ces projets sont d’autant plus problématiques qu’ils relèvent de la technologie de l’éolien en mer « posé », ayant un ancrage dans le sol beaucoup plus lourd et impactant pour les fonds marins que l’éolien dit « flottant » (avec chaînes d’ancrage).
Le gouvernement français fait ici un pari risqué, qui, au final, pourrait ne pas être gagnant pour la crédibilité de la filière EMR. Profitant d’un manque de fermeté des grandes organisations environnementales sur ce sujet sensible et misant sur la relative souplesse du droit de l’environnement dans le domaine de la préservation des aires marines protégées, il s’obstine à ne pas voir les contradictions de cette politique aventureuse qui met à mal l’indispensable renforcement de la protection de la biodiversité marine.
Juridiquement, il résulte des directives européennes « Natura 2000 » (« oiseaux » et « habitats ») que les projets localisés en ZPS (zone de protection spéciale) et/ou en ZSC (zone spéciale de conservation) ne peuvent être autorisés s’il résulte de l’évaluation environnementale requise « que leur réalisation porterait atteinte aux objectifs de conservation d’un site Natura 2000 » (article L. 414-4 VI. du Code de l’environnement). C’est d’ailleurs ce que rappelle très clairement la jurisprudence européenne (Cour de justice de l’UE) et française. La démonstration scientifique sincère de l’absence d’une telle atteinte risque d’être laborieuse… Quant à la législation gouvernant les parcs naturels marins (on pense ici au projet éolien d’Oléron), en dehors de l’avis « conforme » devant être émis par l’Office Français de la Biodiversité, la loi insiste bien sur leur contribution à la protection et au développement durable du milieu marin, ce qui paraît pour le moins difficilement conciliable avec une grande centrale éolienne.
Au final, si la campagne présidentielle de 2022 ne conduit pas à revoir les projets éoliens offshore les plus problématiques sur cette question environnementale de premier plan, la justice pourrait bien s’en charger...
La version juridique originale et développée de cet article a été publiée sur le site du Village de la Justice
L’éolien offshore pourrait-il être contrarié par le droit de l’environnement ?
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Illustration : Pixabay - Tho-Ge
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