44 % des forêts naturelles ont disparu ces 60 dernières années à Madagascar. Et depuis 2005, le rythme de la déforestation s’accélère. Ces résultats sont le fruit d’une nouvelle étude publiée dans Biological Conservation. Avec près de 90 % d’espèces endémiques, c’est une biodiversité unique qui est mise en péril. D’autant plus que les forêts restantes sont gravement fragmentées. Les auteurs tirent la sonnette d’alarme !
Déforestation et fragmentation
Une nouvelle étude vient de mettre à jour les chiffres de la déforestation à Madagascar. L’analyse de l’évolution du couvert forestier sur six décennies a montré que Madagascar a perdu 44 % de ses forêts naturelles depuis les années 1950. Autre inquiétude, les massifs forestiers restants sont extrêmement fragmentés, 46 % des zones forestières se situant désormais à moins de 100 mètres d’une lisière où d’un espace ouvert. Ces chiffres sont issus d’une étude coordonnée par Ghislain Vieilledent, écologue au Cirad, et publiée dans l’édition de juin de la revue Biological Conservation.
Danger sur une biodiversité unique au monde
Déforestation et fragmentation menacent gravement la biodiversité singulière de la Grande Ile. Car à Madagascar, près de 90 % des espèces, tous groupes taxonomiques confondus, sont endémiques ! Outre les écosystèmes, la disparition des forêts impacte fortement les Malgaches eux-mêmes. « Des populations sont très dépendantes de la forêt, pour le bois d’une part (énergie, construction, fibres), mais également pour les produits forestiers non ligneux (gibier, fruits et noix, miel, plantes médicinales…) utilisés pour se soigner ou pour s’alimenter, notamment pendant les périodes de soudure, entre deux saisons de récolte », affirme Ghislain Vieilledent. Rappelons également que les écosystèmes forestiers offrent plusieurs services environnementaux comme la protection des sols ou la régulation du climat, aussi bien à l’échelle mondiale en constituant des « puits de carbone », qu’à l’échelle locale en jouant le rôle de « château d’eau ».
« Il faut réagir, et vite »
Pour toutes ces raisons, il est urgent de sauver les forêts restantes de l’île, mais aussi d’entreprendre des projets de reforestation. Car à Madagascar, contrairement aux régions tempérées, l’érosion des sols est importante après déforestation et les zones laissées à l’abandon sont difficilement recolonisées spontanément par la forêt. Il faut donc aider à la réimplantation des espèces forestières.
Dans l’île, la principale cause directe de la déforestation est l’agriculture. Mais la démographie galopante, la mauvaise gouvernance et le non-respect des lois environnementales sont des facteurs indirects qui expliquent pour beaucoup la situation actuelle. Pour Ghislain Vieilledent, « il faut réagir, et vite, pour stopper la déforestation. Cela passera nécessairement par une sensibilisation accrue, une augmentation de l’aide internationale, et surtout une reconsidération des stratégies de conservation et de développement à Madagascar. »
Une approche originale
Pour dresser ces constats, l’écologue et ses partenaires ont développé une méthodologie originale. Depuis 1953 et jusqu’en 2000, il existait des cartes du couvert forestier qui ont facilement permis aux chercheurs d’évaluer la déforestation sur cette période. Mais depuis 2000, des cartes exhaustives du couvert forestier à l’échelle nationale n’avaient plus été publiées. Les chercheurs ont alors pensé à utiliser des données issues de Global Forest Watch. Cette plateforme en ligne assure un suivi de la perte du couvert arboré. Ces données géoréférencées appliquées sur la dernière carte disponible en 2000 ont permis d’établir des cartes détaillées d’évolution du couvert forestier sur l’île jusqu’en 2014. « Cette méthodologie est à la fois plus rapide et plus aisée à mettre en œuvre que les approches classiques par analyse d’images satellites. Par contre, elle est moins précise en zone sèche où le couvert arboré est déjà généralement faible rendant la perte d’arbres difficilement détectable » souligne Ghislain Vieilledent. Cette approche pourrait être répliquée à d’autres pays tropicaux comme le Cameroun et la République centrafricaine, qui disposent d’anciennes cartes du couvert forestier. Les cartes produites permettent d’identifier les hotspot de déforestation, d’évaluer l’efficacité des programmes de préservation des forêts et de prioriser les actions de conservation dans le futur, en particulier dans le cadre de l’initiative internationale REDD+ .
Communiqué du Cirad
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