Les travaux de spécialistes des océans et des littoraux montrent l’influence jusqu’ici méconnue des vagues sur le niveau de la mer à la côte. Leur contribution à la submersion est au moins équivalente à celle de l’élévation des eaux liée à la fonte des glaces et au réchauffement des océans.
Erosion des côtes, submersion des rivages, migration des populations insulaires, l’élévation du niveau de la mer à des conséquences majeures. L’importance des vagues dans ce phénomène a longtemps été mésestimée... Les travaux d’une équipe scientifique française, basée à Toulouse, pourraient changer la donne. "Nous mettons en évidence leur contribution substantielle aux variations du niveau des océans", explique le physicien des littoraux Rafael Almar. Il cosigne une récente publication sur le sujet 1.
L’élévation du niveau de la mer résulte de variations intervenant à différentes échelles de temps et d’espace. Certaines, globales et lentes, contribuent à l’évolution du niveau total de la mer. Elles correspondent notamment à des transferts d’eau depuis les terres émergées vers les océans -fontes des glaciers et calottes polaires, variations des stocks d’eaux continentales -, à l’expansion thermique des océans et aux redistributions de masse, sel et chaleur opérées par les circulations océaniques. D’autres variations, locales et de plus courte amplitude, interviennent à l’échelle côtière, comme les marées, les surcotes liées à la pression atmosphérique et les vagues.
Surcôte et superposition
"Sur les rives, la hauteur de l’eau correspond donc à la superposition du niveau total de l’océan et des variations enregistrées localement, explique le chercheur. Jusqu’à présent, les études sur le sujet ne prenaient pas en compte ces processus littoraux. On estimait le niveau de l’eau à la côte en fonction de la hauteur moyenne de l’océan". En effet, les marégraphes, ces appareils destinés à enregistrer la hauteur de la mer, sont installés un peu au large ou dans des sites protégés de l’action destructrice des vagues. Ils retranscrivent donc une valeur totale, mais pas celle effective au rivage. Ainsi, la contribution des vagues est-elle restée méconnue, hormis dans l’interprétation spécifique d’événements extrêmes, tempêtes, cyclones ou tsunamis.
"Les vagues résultent de l’action du vent à la surface de la mer, indique Rafael Almar. Leur mouvement se forme souvent à des centaines, voire des milliers de kilomètres au large, avant de se propager jusqu’à la côte". Toutes les grandes étendues d’eau sont soumises à des vents et voient donc leurs littoraux balayés par des vagues plus ou moins importantes.
1 m au large, jusqu’à 20 cm à la côte
"Pour évaluer l’effet de submersion des vagues, et donc leur contribution à l’évolution du niveau de la mer ressenti à la côte, nous nous sommes appuyés sur un modèle empirique partagé par la communauté océanographique. Celui-ci évalue cette surcote entre 1/10 et 1/5 de la hauteur des creux au large, en fonction des caractéristiques des vagues au large et de la topographie du rivage", raconte le spécialiste. Par exemple, des creux de 1 m au large se traduisent par un surplus d’environ 10-20 cm du niveau de l’eau à la côte. Appliqué à l’échelle globale et sur la période 1993 à 2015, le calcul révèle l’importance considérable de l’apport des vagues aux variations interannuelles et décennales du niveau de la mer à la côte. "Nous montrons que leur contribution peut être du même ordre de grandeur, sinon plus, que celles liées à l’expansion thermique et aux pertes de masse des glaciers et calottes polaires", affirme le scientifique. Ces travaux plaident donc pour l’intégration de cette composante négligée dans les recherches sur le niveau de la mer. Elle s’impose particulièrement dans le contexte de changement climatique actuel, où l’évolution du régime des vents marins pourrait moduler l’impact des vagues sur les littoraux.
Communiqué de l'IRD (882 hits)