Par BIHOUIX Philippe.
Les coûts écologiques de la technique (déchets, pollution) sont rendus invisibles par la délocalisation de la production industrielle. Ils devraient nous inciter à promouvoir une technologie sobre et résiliente.
À l’exception – notable – des climato-négationnistes et de quelques « écologistes » sceptiques, rares sont ceux qui se risquent à contester l’état peu affriolant de notre planète. Il faut en effet déployer des trésors d’ingéniosité pour occulter l’évidence. Très localement, la situation a pu s’améliorer – la pollution de l’air dans certaines villes européennes est moindre qu’à la fin du xixe siècle ou pendant le grand smog londonien de 1952. Mais sur les paramètres globaux, comment nier les forêts tropicales dévastées, le blanchiment des coraux, l’effondrement des populations d’animaux sauvages, l’accumulation de polluants sous toutes les latitudes, l’érosion ou la dégradation des terres arables, l’urbanisation galopante ? Sans faire le tour de la Terre, tout individu âgé de plus de 40 ans se souvient qu’il fallait nettoyer le pare-brise des voitures à la belle saison. Où sont donc passés les insectes ?
Le débat entre les pessimistes, qui craignent pour l’environnement, et les optimistes, tenants du business as usual, ne porte donc pas sur la nécessité d’agir – personne n’est vraiment pour la disparition des éléphants ou la contamination des nappes phréatiques aux pesticides –, mais sur la gravité du problème, l’intensité et la vitesse avec laquelle il faudrait réagir, la possibilité de changer modes de production et habitudes de consommation, la manière (régulation, taxes, incitations, soutien public…) et les moyens (financiers, techniques) de mener la transition.
La question technologique est particulièrement prégnante, bien qu’à peu près occultée. Les scénarios prospectifs se fondent en général sur une population plus nombreuse, consommant plus d’énergie et se déplaçant (elle-même ou ses marchandises) plus loin et plus fréquemment. De fait, les solutions techniques sont présumées disponibles et abordables, sinon à portée de main, que ce soit pour les énergies « décarbonées », les solutions de mobilité du futur ou la capacité des rendements agricoles à toujours s’accroître – ou à se maintenir. Les plus audacieux, comme Jeremy Rifkin, vont jusqu’à promettre de telles « ruptures » technologiques – un vocable à la mode – que tout ou presque en deviendrait gratuit ou à « coût marginal zéro », à commencer par l’énergie issue de sources renouvelables.
Pourtant, si le rôle de l’innovation technologique est en effet central, il y a une différence entre les problèmes – qui sont bien là – et la multitude de solutions techniques proposées – dont certaines ne sont qu’au stade de l’annonce ou du concept (capture et séquestration du CO2, voitures à hydrogène…). Et, sans remettre en question ni la formidable inventivité humaine ni les moyens considérables de recherche et de développement dont nous disposons, nous pouvons nous demander si c’est un nouvel âge d’abondance qui se profile ou si nous n’allons pas, au contraire, vers la pénurie, selon les termes actuels d’un vieux débat « malthusien »...
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