Démentant les mécanismes naturels d’adaptation, les plantes tardent à coloniser les espaces supérieurs laissés libres par la fonte des glaciers.
Une véritable course vers les sommets s'est engagée sur toutes les montagnes du globe. Chassés par le réchauffement climatique, les glaciers se rétractent à toute allure et les écosystèmes tentent de gagner la fraîcheur des étages supérieurs.... « C’est un bouleversement accéléré des milieux, dans lequel de nombreuses plantes ont du mal à retrouver leur place », estime l’écologue Fabien Anthelme. Avec une équipe mêlant biologistes et glaciologues, il participe à une étude originale, sur quatre sites des Andes boliviennes et péruviennes, autour de la colonisation primaire des aires de retrait glaciaire.
Perchés aux plus hautes altitudes des massifs montagneux, ou aux latitudes les plus élevées du globe, de la Norvège à la Patagonie en passant par les sommets d’Afrique, d’Amérique et d’Asie, les écosystèmes alpins et arctiques abritent une biodiversité unique, adaptée aux contraintes climatiques extrêmes. Elle se caractérise par l’absence de forêts et la présence de végétaux nains, dont la valeur de conservation est exacerbée par un endémisme élevé, lié à la fragmentation et à la rareté de ces milieux. Ces environnements singuliers sont confrontés à un réchauffement lent des températures depuis la fin du Petit âge glaciaire, au XVIIIème siècle, phénomène qui s’est beaucoup accéléré avec l’accroissement de la concentration de gaz carbonique dans l’atmosphère depuis une quarantaine d’années.
Migrer plus haut
« Ces écosystèmes sont particulièrement vulnérables au réchauffement climatique, indique le chercheur. En effet, les organismes vivant en altitude subissent tout à la fois le changement de leurs conditions optimales de température et la pression exercée par des compétiteurs venus des étages moins élevés des pentes ». Car la stratégie la plus fréquente pour s’adapter à l’élévation des températures consiste à migrer plus haut. Ces phénomènes, et l’impact des changements globaux sur les régions d’altitude, sont au centre des préoccupations des scientifiques en Europe et en Amérique du Nord depuis la fin du XXème siècle. Mais ils restent très peu étudiés s’agissant des sommets tropicaux.
Pour éclairer les modalités selon lesquelles les plantes parviennent à migrer vers de plus hautes altitudes, les chercheurs étudient la colonisation primaire sur les aires dégagées par la fonte des glaciers. « Grâce au remarquable suivi accompli par les glaciologues de l’IRD et leurs partenaires andins, nous disposons de chrono-séquences précises du retrait glaciaire sur les sommets andins durant les 40 dernières années », précise le spécialiste. En effet, les photographies aériennes, les images satellites et les relevés réguliers pratiqués sur le terrain à l’aide de GPS renseignent sur l’étendue et la chronologie du repli des glaciers. L’étude des aires ainsi libérées permet de voir les phénomènes de migration altitudinale dans le temps : quelles plantes se sont installées avec succès 10 ans, 20 ans ou 40 ans après la fonte de la glace…
Graines dispersées par le vent
« Selon nos observations, en si peu de temps, seuls les végétaux dont les graines sont dispersées par le vent parviennent à gagner les aires nouvellement libérées par la déglaciation, note Fabien Anthelme. Celles portées par les eaux en sont absentes car l’écoulement gravitaire ne leur permet pas de gagner les étages supérieurs de la pente. Enfin, les plantes transportées par les animaux doivent attendre pour s’y implanter une hypothétique –ou plus tardive- colonisation secondaire par la faune ».
Mais surtout, leurs données sur les aires de déglaciation révèlent un déficit en plantes "nurses". Ces espèces arbustives, en forme de coussin ou en touffes compactes, jouent un rôle essentiel dans les écosystèmes d’altitude. Leur canopée et leurs racines fournissent un micro-environnement favorable au développement des autres végétaux et des animaux. Certaines de ces plantes ne sont pas portées par le vent. Et les rares plantes nurses qui parviennent à s’installer ne sont pas suffisamment développées pour apporter la protection nécessaire aux autres végétaux. « Les mécanismes naturels de colonisation des zones d’altitude semblent être pris de vitesse par le rythme du changement global et la biodiversité alpine pourrait s’en trouver fort compromise », conclut l’écologue.
Communiqué de l'IRD
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