La quantité d'eau contenue dans l'atmosphère subtropicale est un paramètre clé dans la formation des pluies et des cyclones. Mesurer la composition isotopique de cette eau aide à mieux comprendre les mécanismes climatiques en jeu et apporte des éléments sur leur évolution future.
Si l’augmentation des températures à la surface de la Terre d’ici 2100 est avérée selon les projections climatiques, des incertitudes subsistent sur l’évolution du régime des pluies et des cyclones dans les régions tropicales et subtropicales. Certains modèles estiment que les pluies seront plus importantes dans les prochaines décennies, d’autres qu’elles diminueront. Une étude menée sur l’île de La Réunion apporte pour la première fois dans l'hémisphère Sud des éléments d’éclaircissement à ce sujet. A l’observatoire atmosphérique du Maïdo situé à 2160 mètres d’altitude, les chercheurs ont mesuré la composition isotopique de la vapeur d'eau - soit la proportion des différentes molécules d'eau qui la composent- dans l'atmosphère de l’île.
"Les deux à trois premiers kilomètres de l’atmosphère sont influencés par le relief, explique la climatologue Françoise Vimeux. En journée, l'eau présente dans cette couche de surface provient essentiellement de l’évaporation de l’océan entourant l'île. La nuit, cette couche est moins épaisse et l'observatoire se trouve alors au-dessus de celle-ci. Nous avons pu ainsi étudier l'atmosphère "libre" qui n'est pas influencée par le relief. Nous y avons détecté, surtout pendant l'hiver austral, la présence de masses d’air provenant du sud de l'Amérique latine et de l’Océan Atlantique. Elles sont transportées par le courant jet subtropical. Ce vent très fort de haute altitude, dont la vitesse peut dépasser 300 km/heure, est situé vers 30°Sud et peut atteindre la latitude de l'île de La Réunion à cette période."
Ainsi, la pluviométrie de l’île n’est pas seulement influencée par le relief local mais également par des courants atmosphériques de grande échelle qui contrôlent en partie la quantité d'eau disponible dans l'atmosphère de La Réunion. Cette découverte est une première étape dans la compréhension des échanges d’eau entre les régions subtropicales et les régions de plus haute latitude. Après avoir réalisé des mesures similaires au Niger puis en Bolivie, les chercheurs souhaitent prolonger leurs recherches plusieurs années encore à l’observatoire du Maïdo et l'étendre dans la région. L’enjeu est de quantifier l’évolution du contenu en eau de l'atmosphère dans un contexte de changement global. Ces données sont essentielles pour mieux comprendre le climat des prochaines décennies : si l’atmosphère s’humidifie davantage ou inversement, les régimes des pluies seront modifiés dans le futur.
Ces mesures ouvrent également la voie à une meilleure compréhension des processus cycloniques et de leur formation. "D'une part, une humidification plus importante de l’atmosphère pourrait générer des situations plus favorables à la naissance des cyclones. D'autre part, le passage d’un cyclone sur La Réunion modifie totalement la composition isotopique de la vapeur, ajoute la chercheuse. Nous souhaiterions installer un second instrument de mesure dans la région du canal du Mozambique, entre Madagascar et le continent africain, où passent 20 % des cyclones qui prennent naissance dans l'Océan Indien. Nous pourrions ainsi obtenir des données isotopiques à différentes étapes de la vie d'un cyclone et mieux étudier certains processus clés comme l'évaporation des gouttes d'eau qui participe à l'intensification d'un tel phénomène. Aujourd’hui, ces processus sont peu quantifiés et sont mal représentés dans les modèles d’évolution du climat."
Ainsi, la composition isotopique de la vapeur constitue une des clés pour comprendre et quantifier des processus climatiques importants dans les régions subtropicales, en complément de l'ensemble des observations météorologiques. Ces données constituent également un moyen d'évaluer la véracité des modèles de climat dans une région donnée.
Communiqué de l'IRD
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