Les travaux de la Plateforme nationale d’actions globales pour la responsabilité sociale des entreprises visent à élaborer des propositions d’actions pour ses membres et la puissance publique, notamment pour un Plan d’action nationale traduisant les engagements de la France auprès de l’Union européenne.
Les scientifiques, notamment du pôle « Chercheurs & Développeurs », contribuent à éclairer les décideurs privés et publics dans l’élaboration de leurs propositions. Cependant les contraintes de calendrier ne permettent pas de pleinement présenter l’état des connaissances scientifiques. Il est important aussi de mieux connaître l’état des controverses scientifiques, quand la connaissance n’est pas encore bien établie et n’autorise pas une conclusion tranchée, afin que chacun puisse évaluer les enjeux et prises de risque de ses propositions.
Une réelle demande des praticiens impliqués dans les travaux de la Plateforme RSE existe donc pour une meilleure vision d’ensemble des problèmes qu’ils ont à discuter, pour lesquels certaines affirmations de principe ou recommandations pratiques peuvent faire clivage malgré un intérêt collectif certain ou au contraire faire consensus alors que certaines de leurs conséquences sont dommageables.
C’est donc dans cet esprit constructif que ces « Séminaires de la RSE » ont été organisés par un comité de scientifiques participant à la Plateforme RSE. Ce cycle de séminaires se déroulera en 2016 sur cinq demi-journées. Ils sont destinés à tout adhérent d’une organisation membre de la Plateforme RSE – et, au-delà, aux praticiens du public ou du privé concernés –, pour prendre le temps d’une réflexion plus approfondie. Il ne s’agit donc ni d’un colloque académique ni d’un événement organisé par la Plateforme RSE au titre de sa feuille de route : il s’agit de résumer l’état des connaissances et des débats scientifiques sur les enjeux majeurs repérés dans l’agenda sur la RSE (voir programme détaillé), et d’en discuter le plus précisément possible avec les participants. Nous nous réjouissons donc du parrainage que la Plateforme RSE a accordé à ces Séminaires de la RSE, signalant ainsi à ses membres, et au-delà, l’importance des interactions entre scientifiques et praticiens pour la qualité des réflexions et propositions à venir.
Comité scientifique :
Programme 2016 « Parler ou non de compétitivité quand on parle de RSE ? »
Alors que la responsabilité financière d’une société à l’égard de ses différents créanciers est définie (Code civil), pourquoi la responsabilité sociale devrait-elle inclure à nouveau cette dimension économique ? Cette question, régulièrement soulevée par les organisations de la société civile, est donc déterminante pour définir la RSE et, au-delà, le développement durable. Mais peut-on les penser indépendamment des contextes concurrentiels dans lesquels les entreprises développent leurs activités ?
Il s’agit donc de mieux apprécier ces contraintes de compétitivité par rapport aux effets économiques des actions RSE sur une entreprise d’une part, et d’autre part par rapport à la problématique de soutenabilité du développement qui, sous des vocabulaires différents, intéresse les sciences sociales – y compris l’économie – depuis plus de deux siècles. En particulier, si un objectif de développement durable dégrade le résultat financier d’une entreprise, quelle priorité choisir alors, et avec quelles limites ? Comment éviter au maximum ces situations de dilemme, et à quelles conditions des synergies peuvent-elles au contraire être favorisées ?
Date : 10 février 2016 (9h-12h).
Lieu : Ecole des Mines (salle des colloques),
60, bd Saint-Michel 75006 Paris (M° Luxembourg).
Intervenants : Franck Aggeri (Mines ParisTech, CGS) et Nicolas Mottis (ESSEC, école Polytechnique).
« Quelle(s) finalité(s) de l’entreprise ? »
La question de la finalité de l’entreprise est une question récurrente et centrale pour une conception commune de la responsabilité des entreprises. La phrase de l’économiste Milton Friedman (« the social responsibility of business is to increase its profit »), en 1970, est souvent citée alors que son argument, en fait d’ordre juridique plus qu’économique, est contesté par les spécialistes du droit des sociétés. La création des différentes formes légales de sociétés, de même que le paritarisme ou l’intervention du droit (du travail, de la consommation, etc.), ne montre-t-elle pas d’ailleurs que les missions de l’entreprise et ses priorités peuvent être de « natures » variables ?
Certains spécialistes proposent aussi de repenser aujourd’hui ces questions, en particulier : Comment se pose la question de l’objet social de la société commerciale ? Son objet social lui interdit-elle d’avoir des préoccupations extra-financières (sociales/sociétales, environnementales) ? Comment comprendre le cas des sociétés commerciales (dites « à but lucratif ») reconnues d’« utilité sociale » ? Le mandataire social n’est-il tenu qu’à satisfaire les intérêts des actionnaires/associés ? La rédaction actuelle de l’article 1833 du Code civil est-elle satisfaisante ? Comment interpréter « l’intérêt social » de l’entreprise ? Comment définir les rapports et les liens entre la société (personne morale) et l’entreprise ?
Date : mars 2016 (date en attente de confirmation)
Lieu : Ecole des Mines (salle des colloques),
60, bd Saint-Michel 75006 Paris (M° Luxembourg).
Intervenants : François-Guy Trébulle (Université de Paris I) et Stéphane Vernac (Université de Picardie).
« Les dilemmes du développement durable :comment concilier de façon équitable les conflits d’intérêts sans sacrifier les priorités d’un développement durable ? »
Des contradictions, donc des conflits potentiels, existent dans toute situation de la vie en société (Condorcet, Arrow) et, pour exister durablement, chaque société construit des compromis pour les réguler – ou entre en crise. Ainsi, malgré l’affirmation optimiste d’un développement durable réconciliant à la fois durabilité économique, sociale, environnementale, culturelle, etc., tout projet RSE se confronte à ces contradictions. Par exemple :
— comment concilier justice sociale et environnement quand, dans un bassin d’emploi à fort taux de chômage, un projet industriel menace des espèces protégées sur le site prévu pour son implantation ? comment dépasser le conflit d’intérêt entre les salariés d’une industrie polluante et ceux d’une industrie « verte » concurrente ? Comment ne pas renoncer pour autant au défi environnemental ?
— comment répondre aux dilemmes d’actions de développement durable qui, selon le cas, peuvent bénéficier aux salariés (effet positif sur l’emploi dans une entreprise si celle-ci augmente ses parts de marché en améliorant la qualité environnementale de sa production) mais aussi leur nuire (si cette stratégie passe par une dégradation des conditions de travail, par exemple) ;
– comment des acteurs (ONG environnementalistes, consuméristes, de solidarité internationale, etc.) peuvent-ils avancer leurs objectifs de façon efficace et acceptable pour les autres parties prenantes concernées ?
Il s’agit de comprendre la complexité de ces compromis : les recettes du passé ne seront pas celles de demain car ce qui est bon pour une entreprise ne l’est pas forcément pour l’ensemble des entreprises (si chacune réduit son impact environnemental, l’objectif de développement durable est atteint mais aucun avantage compétitif n’apparaît au niveau d’une entreprise particulière), ni même pour l’ensemble de la société.
Date : mars 2016 (date en attente de confirmation)
Lieu : Ecole des Mines (salle des colloques),
60, bd Saint-Michel 75006 Paris (M° Luxembourg).
Intervenant : René de Quenaudon (équipe RSE de l’UMR DRES – CNRS/Université de Strasbourg).
« La RSE doit-elle être juridicisée et judiciarisée ? »
La RSE est de plus en plus saisie par le droit, comme le montre la multiplication d’instruments juridiques internationaux et l’évolution, par exemple, au niveau européen des textes de la Commission européenne (Livre vert 2001, COM(2006) ; COM(2011)…) et des obligations de Reporting ESG (Directive 2014/95/UE) ou encore, au niveau national, les débats sur la PPL sur le devoir de vigilance des sociétés-mères et des entreprises donneuses d’ordre.
Bien qu’il soit admis que la RSE relève surtout d’« initiatives volontaires », la question du droit est récurrente : ces initiatives ne sont considérées « volontaires » que si elles vont « au-delà des exigences réglementaires » ; ne se réfèrent-elles pas souvent à des règles de droit (par exemple, respect de conventions de l’Organisation internationale du travail dans des pays ne les ayant pas ratifiées) ? L’adossement au droit n’apporte-t-il pas une garantie pouvant aider, comme dans le cas de labels de qualité alimentaire ou sanitaire, les entreprises méritantes à valoriser leurs actions par rapport aux tricheurs ? Alors finalement, pourquoi opposer systématiquement règle de droit et initiative volontaire ? Pourquoi opposer soft et hard law ? Quelles conciliations possibles en vue d’un renforcement de l’effectivité de la RSE ?
Date : avril 2016. (date en attente de confirmation)
Lieu : Ecole des Mines (salle des colloques),
60, bd Saint-Michel 75006 Paris (M° Luxembourg).
Intervenants : Kathia Martin-Chenut, René de Quenaudon (équipe RSE de l’UMR DRES – CNRS/Université de Strasbourg) et Nicolas Cuzacq (université Paris-Créteil, ESG).
« Pourquoi existe-t-il plusieurs conceptions et pratiques de la RSE, et jusqu’où peuvent-elles coexister »
Le développement durable, la responsabilité sociale d’entreprise, sont apparus ces dernières années participent du politique, cet art de vivre ensemble que ni la seule action de l’Etat ni la seule initiative individuelle ne suffisent à réaliser. Comment penser la responsabilité des personnes, y compris morales, dans cette construction ? Les notions de « soutenabilité » ou de « durabilité » du développement suffisent-elles à définir une conduite normale ?
Problème : spontanément, tous n’y ont pas intérêt ou envie ; mais, inversement, décréter une règle ne suffit jamais. Par exemple, s’il est admis qu’une règle de droit doit être la même pour tous, il est aussi admis des principes d’exception que la loi prévoit ou que le juge apprécie (voir par exemple les règles de légitime défense, l’appréciation des circonstances atténuantes, etc.). La conduite des individus dépend donc de leur compréhension et de leur acceptation d’un régime de justice qui donne un sens cohérent et légitime à ces variations, dont les dérogations valident la règle de référence plutôt qu’elles l’affaiblissent.
Mais est-ce le cas pour les différents systèmes (labels, chartes, codes de conduite, etc.) par lesquels les entreprises expriment leurs engagements RSE ? Il apparaît par exemple un certain désarroi des consommateurs en présence de cette grande diversité des conceptions de la responsabilité (contenu des engagements, effets, fiabilité…) qui les conduit souvent à ne plus donner d’importance à ce critère dans leur décision d’achat. De même, comment hiérarchiser les priorités entre les différents objectifs environnementaux et sociaux visés (depuis la biodiversité jusqu’à la santé au travail, le droit des peuples autochtones ou le réchauffement climatique, etc.) ?
Sur un autre plan, des conceptions distinctes de RSE peuvent-elles coexister en Europe ou dans le monde ? Si oui, selon quelles modalités pratiques en management, en droit… ? Quel impact, sur ces conceptions et pratiques, de l’intégration de la notion de RSE au sein de divers espaces normatifs (ONU, OCDE, OIT, ISO, SFI, UE…) et l’adoption de standards internationaux en la matière ?
Date : mai 2016. (date en attente de confirmation)
Lieu : Ecole des Mines (salle des colloques),
60, bd Saint-Michel 75006 Paris (M° Luxembourg).
Intervenant : Nicolas POSTEL (Clersé, Lille 1)
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