« La plus grande rencontre féministe francophone de l’histoire contemporaine ». Francine Descarries, directrice du Réseau québécois en études féministes (RéQEF), un des organisateurs du 7e Congrès international de recherches féministes dans la Francophonie, qui a eu lieu à Montréal du 24 au 28 août 2015, est formelle. Avec plus de 1 200 participant-es – à part égale chercheur-es, et étudiant-es, militant-es, artistes réuni-es –, venu-es de 41 pays, dont quarante de huit pays d’Afrique de l’Ouest et du Maghreb, cette édition québécoise des rencontres universitaires féministes a battu son plein. Voulu « ouvert à toutes les perspectives […] afin de montrer que les études féministes sont multiformes », cet événement intitulé « penser, créer, agir » a rempli ses objectifs : réunir « les réflexions, les performances, les discours et les pratiques qui contribuent au changement social ». Une spécificité québécoise ? Certainement : celle de rompre avec la dichotomie théorie et pratique. S’ajoute la volonté affichée des organisatrices (RéQEF, Institut de Recherches Féministes (IREF), et Service aux collectivités de l’UQAM) d’enchevêtrer les 104 activités autonomes, créées de « bas en haut », depuis les communications proposées jusqu’à la programmation finale. De façon volontairement non hiérarchisée et participative. Et surtout, sur le fond, s’affiche l’ambition de mettre en lumière les femmes autochtones, aujourd’hui « en danger », par devoir de mémoire, et résolument afin de « ne pas prendre la parole à leur place ».
Les enjeux de cette édition s’avéraient multiples : « politiques, théoriques, stratégiques, analytiques, idéologiques ». Il s’agissait certes de rendre compte de la diversité des formes, des pensées et des pratiques féministes, mais aussi de valoriser la part de création dans le développement de cette pensée, « spécifique et de qualité », de donner la place aux nouvelles approches, en mettant en contact et en faisant dialoguer les diverses tendances qui traversent ce mouvement social, tout en exigeant de garder comme fil conducteur le genre comme rapport social de sexe, à articuler aux autres rapports de domination (race, classe). En somme, créer « un choc des idées », en restant un « moment d’apprentissage », affirme Francine Descarries. La plénière sur « Race, colonialité et politique » est venue illustrer ce parti pris en ouvrant un espace, un lieu d’échanges sur le post-colonialisme. Sans controverse. Tout simplement, une collecte de témoignages. Un apport d’idées. Car une priorité était de mise : refuser l’exclusion et entendre les autres, dans le respect de leur parole, afin d’asseoir sa « légitimité de discuter et d’être en désaccord ».
« La relève est à l’œuvre », assure la directrice du RéQEF. « La construction d’un grand espace féministe » est en marche, poursuit-elle. Reste à affiner les perspectives afin de les rendre plus inclusives (armée, ville…), à pousser la réflexions sur les pensées émergentes et sur les raisons de leur existence (subjectivité, individualité,…). La prochaine édition se construit déjà. Elle s’annonce difficile. Elle passera par un financement social pour assurer la pérennité de cette entreprise, vieille de vingt ans, et continuer à « provoquer les prises de conscience ».
Joelle Palmieri
4 septembre 2015