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L'océan Pacifique ouest, au coeur de la machine climatique


Les « courants de bord ouest » du Pacifique transportent d'énormes quantités d’eaux chaudes et chargées en sel et éléments nutritifs, qui ont une influence considérable sur le climat. Bien que découverts depuis longtemps, ces systèmes océaniques restent encore mal compris. Depuis sept ans, d’importants efforts de recherche ont été entrepris. Une équipe de l’IRD et de partenaires chinois, australiens et américains vient de publier dans la revue Nature une étude faisant état des connaissances sur ces courants dans le Pacifique, leurs variations, leur impact et leur réponse au changement climatique.

(Copyright IRD / A. Ganachaud)

Un système de courants encore mal compris

Les courants de bord ouest du Pacifique ont été parmi les premiers systèmes dynamiques étudiés par les pionniers de l’océanographie. Pour autant, leur structure complexe restait jusqu’à présent mal comprise. Compte tenu de leur importance dans les interactions océan-atmosphère, les scientifiques redoublent d’efforts depuis sept ans. Suite au programme SPICE, focalisé sur la partie sud-ouest du Pacifique, des chercheurs de l’IRD et leurs partenaires chinois, australiens et américains poursuivent ces travaux dans le cadre du programme CLIVAR sur l’ensemble de cet océan. Leur objectif : comprendre les échanges de chaleur et de masses d’eau, leurs possibles changements du fait de l’augmentation de l’effet de serre ainsi que leur impact sur le climat. Ils viennent de publier un premier état des connaissances dans la revue Nature.

 

Une grande variabilité

Les scientifiques montrent que ce système océanique fonctionne comme une seule entité. Par exemple quand un épisode chaud de type El Niño survient, le système de courants de bord ouest tout entier se déplace vers de plus hautes latitudes. Il est aussi affecté par d’autres facteurs, tels que les saisons, les vents de mousson locaux, etc. Il présente ainsi une grande variabilité intra saisonnière, interannuelle, décennale et même à plus long terme. Par endroits, comme dans la mer des Salomon, les quantités d’eaux chaudes et salées transportées peuvent doubler entre une phase froide et une phase chaude d’El Niño.

 

Un rôle central dans le climat mondial

En retour, ce système de courants impacte le climat de nombreuses manières. Tout d'abord, les flux vers l'océan Indien, via l’archipel indonésien, contribuent à la circulation thermohaline mondiale, le « tapis roulant » qui répartit la chaleur et régule le climat sur l’ensemble du globe. De plus, il échange de la chaleur et des masses d’eau avec la zone équatoriale et sa fameuse « warm pool », immense réservoir d’eau chaude au milieu du Pacifique. Celle-ci constitue la principale « pompe à chaleur » de la planète, alimentant les flux de chaleur et d’humidité de la majeure partie de l’atmosphère terrestre. Enfin, une branche du courant bifurque vers le pôle Sud. En fonction de l’intensité des courants et de leur variabilité spatio-temporelle dans la zone intertropicale, ce système perturbe fortement la météorologie mondiale. Les conséquences de ces phénomènes – formation de cyclones, modification des régimes de précipitations et du fonctionnement des écosystèmes naturels et cultivés – impactent fortement les sociétés à travers le monde.

 

Avec le changement climatique, les courants de bord ouest dans le Pacifique comme dans les autres océans se sont intensifiés au cours du siècle passé. Ils se sont étendus en direction des pôles, où ils se sont réchauffés deux à trois fois plus que dans le reste de l’océan global. Quelle sera la réponse climatique à ces modifications profondes ? Tout l’enjeu désormais pour les chercheurs est de le découvrir…

 

Bon à savoir

La circulation océanique de bord ouest met en œuvre d’intenses courants qui se forment à l'ouest des grands bassins océaniques, tels que l’Atlantique, l’océan Indien et le Pacifique. Poussées vers l’ouest par les vents sous l’effet de la rotation de la Terre, les eaux viennent en quelque sorte buter sur les continents – l’Amérique, l’Afrique, l’Asie et l’Australie – et sont alors déviées vers le nord ou le sud. Ces courants forment des veines de 50 à 500 km de large le long des côtes et atteignent une vitesse en surface jusqu’à 1 mètre par seconde.

Glossaire

El Niño : phénomène climatique qui prend naissance tous les deux à sept ans dans le Pacifique équatorial et sème le désordre dans le climat mondial pendant plusieurs mois – sécheresses ou fortes précipitations selon les régions.

Circulation thermohaline : circulation très lente de l’océan à l’échelle mondiale, liée aux écarts de température et de salinité entre les masses d'eau. 

  Partenaires

Chinese Academy of Sciences, Ocean University of China, CSIRO et The University of New South Wales en Australie, University of Hawaii, Columbia University, Scripps Institution of Oceanography et la NOAA aux Etats-Unis et la Japan Agency for Marine-Earth Science and Technology.

Références

Dunxin Hu, Lixin Wu,Wenju Cai, Alex Sen Gupta,  Alexandre Ganachaud, Bo Qiu, Arnold L. Gordon, Xiaopei Lin, Zhaohui Chen, Shijian Hu, Guojian Wang, Qingye Wang, Janet Sprintall, Tangdong Qu, Yuji Kashino, Fan Wang & William S. Kessler. Pacific western boundary currents and their roles in climate. Nature, 2015, 522, p.299-308. doi:10.1038/nature14504

 

Contact Alexandre Ganachaud, chercheur à l’IRD

alexandre.ganachaud@ird.fr

T. 33 (0)5 61 33 29 66

Laboratoire d’études en géophysique et océanographie spatiales - LEGOS (IRD / CNES / CNRS / université Toulouse 3)

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