Par Christian de Perthuis, Professeur d’économie, fondateur de la chaire « Économie du climat », Université Paris Dauphine – PSL et Camille Tevenart, Doctorant en économie agricole et de l’environnement, chaire « Économie du climat » (Université Paris Dauphine), INRA
Le diagnostic des scientifiques est sans équivoque. Au rythme actuel des rejets de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, notre « budget carbone » permettant de limiter le réchauffement global à 2 °C aura été épuisé en vingt ans.
Face à cette menace, il faut radicalement transformer un système énergétique reposant à 80 % sur trois sources fossiles : charbon, pétrole, gaz. Vingt ans, c’est peu pour y parvenir ! Mais imaginons que les Terriens réalisent une transition énergétique inouïe et qu’en 2050 le système énergétique n’émette plus une seule tonne de CO2. Supposons également que les émissions liées aux procédés industriels aient été supprimées.
Aurions-nous pour autant éliminé les rejets de gaz à effet de serre dans l’atmosphère ? Non, car il subsisterait ceux liés à l’agriculture, la forêt et la gestion des déchets organiques, qui comptent pour plus du quart des émissions mondiales comme le rappelle le cinquième rapport du GIEC.
Ces activités ont en commun d’intervenir sur le cycle du « carbone vivant » produit par la photosynthèse, à l’origine des chaînes alimentaires. Ici, les émissions ne proviennent que secondairement des rejets de CO2 provoqués par la combustion d’énergie fossile : elles sont composées de méthane et de protoxyde d’azote, principalement rejetées par l’agriculture, et du déstockage de CO2 provoqué par la déforestation et le retournement ou l’érosion des sols.
Pour limiter le risque d’un réchauffement de plus de 2 °C, il faut donc traiter à la fois le carbone fossilisé du système énergétique et le carbone vivant des chaînes alimentaires et de la forêt.
CDIAC/NOAA-ESRL/Le Quéré et al 2017/Global Carbon Budget 2017
Au cours de la dernière décennie, l’océan et la biosphère ont capturé chaque année de l’ordre de 20 milliards de tonnes de CO2 alors que les activités humaines en rejetaient un peu moins de 40. Aux ajustements près, le solde s’est accumulé dans l’atmosphère. Si on ne considère que le CO2, les rejets liés aux changements d’usage des sols ont amputé de près de 45 % la capacité du puits de carbone terrestre (4,9 sur 11,2). Si l’on prenait en compte l’ensemble des émissions de l’agriculture, le bilan s’inverserait, le puits de carbone terrestre devenant légèrement négatif...
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